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Amélie Oudéa-Castéra : « Dans le sport aussi, il est plus que temps que la honte change de camp »

Une tribune publiée dans Le Monde par Amélie Oudéa-Castera, Ministre des sports et des Jeux olympiques et paralympiques , le 12 octobre 2022 (source)



La ministre des sports estime, dans une tribune au « Monde », que le combat contre les violences sexuelles et sexistes est loin d’être terminé. Elle annonce un renforcement des effectifs départementaux consacrés à cette lutte et la tenue en 2023 d’une convention sur l’enfant face aux violences dans le sport.


La violence, qu’elle soit sexuelle ou sexiste, continue d’abîmer nos sportifs. Voilà pourtant plus de trente ans que Catherine Moyon de Baecque a été la première à briser l’omerta dans l’athlétisme, en dénonçant courageusement les faits dont elle avait été victime. Quinze ans plus tard, avec la même détermination, Isabelle Demongeot levait à son tour un tabou dans le tennis. Pendant longtemps, ces victimes – championnes ou anonymes – ont affronté l’incompréhension, voire l’hostilité du milieu, car leur témoignage ne cadrait pas avec le beau récit autour des « valeurs du sport » que des générations de dirigeants et de sportifs avaient peur de voir salies.

Et puis, il y a eu la déflagration #metoo, la multiplication des révélations et des prises de parole, à laquelle le sport n’a évidemment pas échappé, à l’instar du puissant témoignage de Sarah Abitbol sur le monde du patinage.


Ma prédécesseure, Roxana Maracineanu, dont je souhaite saluer le travail, a alors engagé contre ces violences une lutte sans merci. Un combat pour faire prendre conscience que ces dérives inadmissibles ne sont pas l’exception d’un sport, mais un mal transversal à éradiquer dans toutes les disciplines. Que, pour cela, il faut mettre des mots sur ces dérives : harcèlement, agression sexuelle, viol ou encore pédocriminalité. Il faut aussi reconnaître que ces violences s’observent du sport amateur jusqu’au plus haut niveau de performance avec, pour l’essentiel, des victimes mineures, filles et garçons, et que certains savaient, mais n’ont rien dit, rien fait, en brandissant une présomption d’innocence parfois trop commode.

Voilà pourquoi, dans le sport aussi, il est plus que temps que la honte change de camp. Ma conviction est faite depuis longtemps : tolérance zéro pour ces violences. Depuis trois ans, les résultats obtenus sont encourageants, mais ils soulignent aussi l’ampleur du phénomène et du combat qu’il reste à mener.


Cellule « Signal-sports »

Mon ministère, en lien avec les préfets, recueille les signalements et s’appuie sur l’engagement remarquable des services départementaux à la jeunesse et aux sports pour leur traitement. La cellule Signal-sports, créée au sein de la direction des sports, a déjà traité plus de huit cents dossiers pour des faits de violences, dont 90 % à caractère sexuel. Cette cellule facilite la coordination des procédures, qu’elles soient judiciaires, administratives ou disciplinaires.

Soixante fédérations sont déjà concernées avec, en moyenne, un signalement par jour. Les signalements émanent des victimes elles-mêmes, de plus en plus souvent du mouvement sportif – ce qui est encourageant – et des associations qui accompagnent ces victimes, dont je tiens à souligner le travail formidable. Outre les procédures judiciaires engagées, les préfets ont pris plus de trois cents mesures d’interdiction d’exercer contre les mis en cause. Autant d’individus qui, grâce à l’action publique, ne sont enfin plus autorisés à encadrer des pratiquants, à titre professionnel ou bénévole. En matière pénale, des avancées importantes ont été réalisées en 2018 puis en 2021 s’agissant de l’allongement des délais de prescription.


Notre action collective commence à porter ses fruits. Certaines fédérations sportives, comme le handball, ont d’ailleurs bien compris qu’afficher comme priorité la lutte contre les violences n’allait pas faire fuir parents et pratiquants mais, au contraire, renforcer la confiance qu’on leur accorde. Plate-forme de signalement, désignation de référents, procédures disciplinaires systématiques, formation des encadrants – comme pour le judo – sont autant d’avancées qui témoignent de la prise de conscience du mouvement sportif.

De la même manière, la généralisation du contrôle d’honorabilité (vérification des antécédents judiciaires) des éducateurs et des bénévoles détenteurs d’une licence, désormais inscrit dans la loi, constitue un progrès notable en faveur d’une protection accrue des sportifs.


Certains continuent de se taire

Pourtant, des faits extrêmement graves sont encore régulièrement révélés, autant grâce aux médias qu’au travers des enquêtes que nous diligentons. Cela signifie que certains savent, mais continuent de se taire. C’est la raison pour laquelle nous devons continuer de ne rien lâcher pour terrasser ce mal qui abîme et détruit encore trop de sportifs.

Ainsi, nous lançons systématiquement une enquête lorsque des faits rendus publics n’étaient pas connus du ministère, afin de pouvoir identifier et sanctionner tous les auteurs des violences sexuelles ou sexistes, tout en rappelant à leur responsabilité ceux qui n’auraient pas honoré leurs obligations de signalement. J’ai donc souhaité que soit inscrit, dans le projet de loi de finances pour 2023, le renforcement des effectifs départementaux qui se consacrent à ce combat, afin qu’ils puissent utiliser l’ensemble des moyens préventifs et répressifs en leur possession.

Dans notre dialogue de gestion avec les fédérations délégataires, nous nous assurons du respect de leurs obligations en matière de lutte contre ces violences. Ce respect s’inscrit au cœur du contrat d’engagement républicain. Dès que c’est nécessaire, à l’instar de ce qui s’est passé pour la Fédération française de football et de la Fédération française des sports de glace, nous lançons des audits pour contrôler et améliorer les processus en place au sein des instances sportives.

Afin de dresser le bilan de notre action et préparer les prochaines étapes, nous organisons chaque année une convention nationale de prévention des violences dans le sport, dont la quatrième édition se tiendra en 2023. Pour aller plus loin sur le sujet spécifique de la protection des mineurs, nous allons soutenir, en lien avec ma collègue Charlotte Caubel, secrétaire d’Etat chargée de l’enfance, l’organisation, début 2023, d’une convention consacrée à l’enfant face aux violences dans le sport, temps de réflexion utile pour activer tous les leviers de prévention et d’accompagnement des victimes.

Le sport est là pour donner confiance, émanciper, faire rêver, pour s’accomplir et, même, parfois, se dépasser ; jamais, il ne doit donner lieu à des violences contre des enfants, des adolescents, des personnes. Voilà ma boussole et je n’en dévierai pas.

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