Un article publié par l'Obs en avril 2021 (source)
Sarah Abitbol, Andréa Bescond, Isabelle Demongeot, Claudine Emonet, Muriel Salmona, Sandrine Rousseau, Caroline De Haas… Victimes de violences sexuelles, sportives, membres d’associations de défense des droits des enfants, psy ou féministes, elles demandent à la Fédération française d’Equitation (FFE) de retirer sa plainte en diffamation contre une cavalière victime de violences sexuelles. Une pétition est aussi lancée sur Change.org
Nous ne nous tairons jamais
Nous sommes en 2021. La vague #Metoo aura bientôt quatre ans. Lorsque nous en parlons autour de nous, nous voyons bien que le monde a bougé. Que les mentalités ont évolué. Que la parole des victimes n’est plus considérée de la même manière.
Nous sommes en 2021. La société a changé. Et pourtant, le mois dernier, une des plus importantes fédérations sportives françaises a porté plainte contre une victime de violences pédocriminelles, Amélie Quéguiner. Pour quelle raison ? Car elle avait dénoncé, en février, dans « l’Obs », l’inaction de la fédération face aux violences sexuelles. Nous demandons à la Fédération française d’Equitation de retirer sa plainte.
Ces dernières années, des femmes courageuses, sportives, musiciennes, artistes, élues, écrivaines, militantes féministes, journalistes, salariées ont dénoncé des violences sexuelles qu’elles avaient subies. A chaque fois, comme aujourd’hui pour Amélie Quéguiner, nous avons assisté à des tentatives de les faire taire, de les appeler à la « discrétion », comme le dit le président de la Fédération française d’Equitation dans un courrier rendu public. A chaque fois.
Les ressorts mobilisés sont toujours les mêmes. D’abord, la banalisation, remettant en cause la gravité des faits. La minimisation des violences, leur déqualification, s’illustre par les mots employés : « gestes déplacés », « propos inappropriés » ou encore, récemment, « une énorme bêtise ». On repense au « il n’y a pas mort d’homme » prononcé par un ancien ministre de la Culture en 2011, pour parler d’une mise en cause pour viol. A chaque fois, le message envoyé aux victimes est le même : ce que vous avez subi ne compterait pas. Nous le disons à chacune et chacun : ces faits sont graves. Ils sont interdits.
La Fédération française d’Equitation attaque en diffamation une victime de violences sexuelles
Ensuite, la culpabilisation. « Tu vas briser la famille », « Tu vas porter atteinte à l’image de la fédération, du syndicat ou du parti ». Les femmes qui ont tenté de porter plainte ces dernières années le racontent très bien. Dans une étude publiée par #NousToutes [PDF], des centaines d’entre elles ont témoigné avoir entendu, ces derniers mois, de la part des forces de l’ordre : « Vous l’avez cherché en restant avec cette personne », « vous n’aviez qu’à mieux le repousser » ou encore : « Quand on rentre toute seule si tard, faut quand même pas s’étonner. »
Enfin, la menace et la peur. De nombreuses victimes racontent avoir été menacées de ne plus voir leurs enfants ou leurs parents, ou avoir fait l’objet de pressions ou de chantages au suicide. La peur est un mécanisme puissant pour verrouiller la parole. Les personnes mises en cause ou les institutions qui les protègent le savent très bien. La plainte – ou la menace de plainte – en diffamation est un des outils utilisés pour intimider et faire peur. Denis Baupin, Pierre Joxe ou encore Eric Brion : tous ces hommes mis en cause pour des faits de violences sexuelles ont porté plainte contre les journalistes qui avaient révélé les faits ou contre les victimes. Et ont perdu. Ces procédures judiciaires sont coûteuses, tant sur le plan financier que sur le plan humain. Elles peuvent durer des années et sont épuisantes pour les victimes. Dans les cas cités plus haut comme dans le cas de la Fédération française d’Equitation aujourd’hui, ces procédures n’avaient qu’un objectif : refermer la chape de plomb.
A chaque fois qu’une victime est attaquée parce qu’elle a dénoncé des violences sexuelles, c’est à toutes les victimes, passées, actuelles ou à venir qu’un message est envoyé. Ce message, c’est taisez-vous. Nous ne nous tairons pas. Nous le disons haut et fort : nous vous croyons. Vous n’y êtes pour rien. Il n’avait pas le droit. Nous sommes à vos côtés.
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